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Entretien avec Alice-Anne Médard, nouvelle présidente de l’association

Catégories : Autres
Publié le 14 novembre 2025

Alice-Anne Médard est depuis l’assemblée générale de juin 2025 la nouvelle présidente de l’Entraide Pierre Valdo. Elle succède à Martine Chauvinc Chiffe qui poursuit son engagement au sein du bureau du Conseil d’Administration. Dans cet entretien elle présente son parcours, sa vision de l’association et de son rôle. Entretien.

Vous avez une expérience à la fois dans la fonction publique et dans le secteur privé, du ministère des Affaires étrangères à la direction régionale de Nouvelle-Aquitaine du ministère de l’Écologie, en passant par l’aviation civile et le groupe Aéroports de Paris. Qu’est-ce qui vous relie à la mission de l'Entraide Pierre Valdo ?

J’ai eu une vie professionnelle ouverte sur l'international, mais aussi très variée. J'ai toujours été haut fonctionnaire, sauf au moment où j'ai travaillé dans un groupe privé comme DRH. Dès ma jeunesse j'ai été sensibilisée aux cultures étrangères, parce que j'ai vécu enfant au Cameroun, que mon père était un spécialiste des sociétés d'Afrique, aussi parce que ma mère est américaine et a toujours regardé notre société avec un certain recul. J'ai également vécu au Kenya – j'y ai rencontré mon mari qui travaillait alors en Somalie. L’altérité et la différence sous cet angle m’ont toujours intéressée.

 Cela se retrouvait dans ma formation, où la politique comparée et les relations internationales occupaient une place de prédilection. Ma première vocation professionnelle aux Affaires étrangères en découle. J’ai exercé au Zimbabwe… Cependant, le rôle professionnel de fonctionnaire astreint au devoir de réserve est parfois contraignant. Il y a pu avoir une tension entre mes valeurs personnelles et ce rôle de diplomate – devant par exemple défendre la position officielle française sur le génocide rwandais. C'est une des raisons pour laquelle j'ai changé d’orientation pour aller vers des métiers plus techniques.

 En 2018, interpellés par la crise des réfugiés syriens et par la situation des migrants campant Porte de la Chapelle, mon mari et moi avons décidé d’agir concrètement. Nous avons accueilli à notre domicile de Bordeaux pendant des mois, voire pour certains des années, jusqu’à cinq personnes en même temps, dont un jeune Syrien sur un visa asile, mais qui a dû attendre trois ans confirmation de son statut par la CNDA, et quatre jeunes guinéens dont deux ont dû contester en justice le déni de leur minorité par l’autorité administrative.

 Ce fut une rencontre humaine riche et complexe, et nous sommes toujours en relation avec chacun. C’est à travers cette expérience que j’ai perçu concrètement la difficulté du parcours administratif, mais aussi les enjeux éducatifs et d’intégration concernant ces publics. S’agissant des MNA, j’ai également découvert le rôle du département (nous avons été famille d’accueil bénévole pour le département de la Gironde), ainsi que l’indispensable accompagnement par les associations, avec parmi elles le meilleur, mais aussi le pire.

 Souhaitant prendre ma retraite dès que légalement possible – en Ardèche près de deux de nos enfants –, j’avais décidé de m'engager dans ces domaines qui me tiennent à cœur, notamment en assumant publiquement mon intérêt pour le sort des étrangers et mon opposition indignée aux dérives actuelles. Tout en évitant toute posture militante dans mon rôle de haut fonctionnaire, je n’ai jamais caché que j'accueillais de jeunes migrants chez moi, en m’efforçant par des actes de montrer ma solidarité avec des étrangers et mon opposition à leur stigmatisation. Je souhaite poursuivre dans ce sens, mais en acquérant en sus le pouvoir de m’exprimer plus librement.

Pourquoi avez-vous choisi de rejoindre l’Entraide Pierre Valdo ?

Par un heureux concours de circonstances. Il y a deux ans, j’ai discuté avec Martine Chauvinc Chiffe, que je connaissais depuis longtemps et qui m'a expliqué ce que faisait l'association. J'ai aussi rencontré Sid-Ali Zaïr. C’était avant tout pour connaître un petit peu mieux l'organisation, non pas dans les détails de son fonctionnement, mais sur son positionnement. La manière dont elle appréhendait cette mission, à laquelle j'ai eu alors envie de contribuer. J’ai donc rejoint l’association et suis entrée au CA.

En effet, j’ai acquis la conviction que c'est une association dont le travail et les valeurs correspondent à ce que je recherche. J'ai vu fonctionner d’autres organisations où j'avais quelques clignotants d’alerte sur l'interaction avec les publics, sur la manière dont on traite les bénéficiaires. Il me semble qu’il y a dans notre association un réel respect des personnes qui sont accueillies, un objectif résolu de les accompagner avec un souci d'humanité dans un cadre général qui est fixé par les pouvoirs publics.

Comment voyez-vous votre rôle de présidente ? Quels sujets souhaitez-vous porter au sein du Conseil d'Administration ? Quelles valeurs souhaitez-vous mettre en avant ?

Comme je l'ai dit lors de ma prise de fonctions, je m'inscris dans la droite ligne de l’action guidée par les valeurs d’accueil des personnes étrangères et de bien-être des bénéficiaires, que la présidente sortante, Mme Chauvinc Chiffe, a mené avec constance et détermination.

 Comme elle, je suis de foi protestante, et avant tout attachée à la laïcité et au cadre fixé par les lois de la République. L’Entraide Pierre Valdo est une structure associative loi 1901 ce qui est courant dans le secteur social. La taille de notre association et le montant des financements publics en jeu conduisent à une responsabilité importante de la gouvernance à ce jour constituée d’un Conseil d’Administration (CA) de neuf membres et d’une Assemblée Générale de 22 adhérents.

 Par conséquent, le premier chantier est de renforcer la gouvernance, en élargissant le vivier d'adhérents, mais aussi en engageant une réflexion sur la place des bénévoles. La présidente a des prérogatives propres, mais ce qui m’intéresse c'est de mener un travail collectif avec le Conseil d'Administration et le Bureau, en m’appuyant sur la pluralité des expériences, des compétences et des points de vue.

 Sur le plan métier, en particulier qualité de l'accueil et de l’accompagnement, le professionnalisme des équipes est reconnu, ce n'est pas donc mon champ prioritaire d’attention actuellement. Pour autant, nous devons aussi toujours mieux appréhender les différents métiers de l'association et leur évolution, les compétences des salariés comme les difficultés qu’ils rencontrent. C'est pourquoi, par exemple, nous examinerons dorénavant systématiquement les accidents de travail à chaque CA en plus de la revue habituelle des évènements marquants. Nous ferons aussi, à chaque séance, un focus métier sur un domaine particulier de l'activité. Ainsi, la prochaine séance abordera le sujet des MNA avec la participation d’une direction de pôle.

 Le deuxième chantier est d’épauler le Directeur Général dans son travail de structuration et de coordination d'une organisation qui a crû très vite ces dernières années. Je pense en particulier au domaine financier au sens large (contrôle de gestion, contrôle interne, audit, gestion des risques). Cela concerne aussi le bien-être au travail des salariés, dont beaucoup ont des missions exigeantes sur le plan émotionnel, auprès de publics vulnérables, et qui méritent pleinement soutien et accompagnement. Si nous voulons préserver des équipes de qualité, engagées et responsables, au service de nos missions auprès des bénéficiaires, nous devons leur offrir des conditions de travail qui leur donnent envie de venir vers notre association et d’y rester.

Les domaines d'intervention de l'association, comme la protection de l'enfance, la demande d'asile ou l'intégration des réfugiés, suscitent souvent des tensions sociales et/ou font l'objet d'une vigilance de la part des autorités. Dans ce contexte, quels sont selon vous les points forts de l'Entraide Pierre Valdo ? Quels sont les défis que notre association devra relever ? 

L’Entraide Pierre Valdo est une organisation reconnue pour le professionnalisme de l'accompagnement porté aux bénéficiaires et la qualité de l'attention portée à ses salariés. Nous devons rester performants dans l'exercice de nos missions, dans la fidélité à nos valeurs. J'y serai, aux côtés du CA, particulièrement attentive. Notre engagement bénévole au sein d’une association d’intérêt général nous conduit à être particulièrement vigilants aux tensions qui affectent l’accueil des étrangers et des plus vulnérables.

 Nous réalisons nos activités avec des financements publics, de l'État, mais aussi de l’Union européenne et de collectivités locales, dans le cadre légal qui nous est fixé. Quand les règles changent, nous nous interrogeons sur la place que nous occupons dans le dispositif, si les missions qui nous sont confiées et les moyens attribués sont conformes à l’objet social de l’Entraide Pierre Valdo. Nous devrons éventuellement adapter les missions que nous souhaitons pouvoir poursuivre ou développer pour rester fidèles aux valeurs du projet associatif et au rôle d’accueil et d’intégration qui est le nôtre auprès des bénéficiaires, sans aucune discrimination.